13:45 / 04 octobre 2014 / Muriel Epstein Expérimentations

Lancement du projet cinéma…

Il y a deux ans, Lola Brachet, lycéenne au LAP, imaginait un premier film pour aider Transapi. Cette activité lui avait permis de s’accrocher à ses études.


Témoignage de Lola (Transapi) par Rue89Video
L’an dernier deux lycéennes du lycée Suzanne Valadon m’avaient demandé, lors d’une rencontre en MJC si elles ne pourraient pas participer à TransiMOOC et faire un film elles-aussi.

Grâce à un financement de la banque populaire et à une aide obtenue par le lycée, c’est la classe de première passerelle du lycée de cette année qui va pouvoir faire son cinéma.

Le projet est de faire inventer et réaliser un film à un groupe de 1ère pro.

7 séances dites d’écriture sont prévues entre septembre et novembre. Puis une de préparation en janvier, suivi d’un tournage de deux ou trois jours « banalisés ».

Il est prévu d’organiser une projection « restitution » auprès des élèves, de leurs familles, et du plus large éventail d’invités possible dans un vrai cinéma, type Louxor, avant mi mai.  Le but est de créer un groupe mobilisé et de faire prendre conscience à certains élèves de leur capacité d’initiative. Qu’ils ne se contentent pas de subir les cours mais en soient moteur.

Témoignage du réalisateur-animateur : Antoine Desrosières

 

3 séances ont été faites à ce jour à Valadon auprès des première pro. Nous avons deux heures par semaines tous les vendredi de 8h30 à 10h30 (horaire difficile car bon nombres d’élèves ratent systématiquement la première heure).

Notre horaire est à cheval sur les cours d’art plastique et de français, et les enseignants de chaque cours se succèdent auprès de nous.

Il y a 16 élèves.

Lors du premier cours, nous présentons « La Vie est Belle » de Capra, film qui nous semble saisissant par son appel à faire prendre conscience de l’importance de sa vie, et de la capacité qu’a chacun d’intervenir sur son destin pourvu qu’il porte un regard différent dessus, bref qui nous semble bien pour des adolescents en construction, qui doivent choisir de se prendre en main ou non. Fort aussi pour l’évidence qu’il donne à la capacité des histoires et à l’intérêt qu’il y a à en raconter pour changer la vie des spectateurs.

Discussion après film : les élèves ont été étonnés d’aimer autant un vieux film en noir en blanc, émus, captivés.

 

En cours de français, une heure par semaine, les élèves rebondissent sur le travail avec Anne-Sophie Nanki (qui filme les séances) et moi. Nous avons demandé au professeur de français de faire écrire aux élèves un résumé du film vu. Il faut apprendre à imaginer mais aussi à raconter. Savoir raconter une super histoire existante, c’est identifier ce qui fait qu’elle marche, c’est une partie du travail.

Ils le font : les élèves savent bien poser le point de départ, et raconter la résolution. Aucun ne fait exister le deuxième acte : c’est pourtant là que réside le corps du spectacle proposé par le film. Leur en faire prendre conscience.

 

Deuxième cours avec nous : Large part théorique sur « pourquoi raconte-t-on des histoires depuis la nuit des temps ? » (pour transmettre du condensé d’expérience humaine que l’on ajoute en tant que spectateur aux expériences de notre propre vécu). Puis les clefs de la construction dramatique. Les élèves sont attentifs. Il y en a même un qui a intuitivement d’excellentes réponses à toutes mes questions, meilleures même que mes élèves de licence3 à la fac.

Quelques élèves à côté de la plaque bien sûr. Avec le deuxième prof de français on s’interroge sur ce que l’on peut faire pour ceux-là. L’enseignant propose de se concentrer, lui, sur eux pour essayer de les canaliser vers les exercices proposés.

Nous passons à la pratique assez rapidement. La situation proposée : Une personne quitte un groupe. Que cela fait-il au groupe ? Les élèves doivent proposer des idées autour de ce sujet, par équipe de deux. Anne-Sophie Nanki, le prof de la classe et moi passons de groupe en groupe pour les faire travailler.

Nous avons le temps d’écouter quelques propositions. Deux sont particulièrement intéressantes : l’élève brillant imagine un groupe de dealers quitté par l’un d’eux : certains veulent lui faire la peau, traître, d’autres l’envient voudraient faire de même. Sujet : le choix de l’honnêteté.  L’autre sujet vient d’une jeune lycéenne qui n’a pas ouvert la bouche de la séance mais a écrit un texte qu’elle nous remet à la fin, long, très détaillé, l’histoire d’une fille qui part de sa famille emportant 4000 euros qui constituent le butin de son frère dealer. Comment la famille va la rechercher. Histoire vraie semble-t-il qu’elle ressasse depuis l’année dernière. Le prof nous rapporte qu’elle a écrit deux versions d’une nouvelle dactylographiée de 8 pages, très brillante. Nous tenons une écrivain dans la classe.

 

Dans le cours de Français, le groupe est appelé à rédiger plus avant ces propositions.

 

3ème cours

Il s’agit d’écouter les propositions de chaque groupe. De les commenter pour en étudier le potentiel. De créer des convergences potentielles. De faire voter les élèves pour les fédérer autour d’une histoire. Enfin d’animer le débat pour tenter de faire émerger un séquencier.

Le sujet qui émerge rapproche une affaire de mariage forcé, qui justifie son départ, et l’histoire de la jeune femme qui vole les 4000 euros. Ca marche bien. Seul problème, l’élève brillant qui voulait travailler sur le gang trouve que c’est un « film de filles » et que ça ne le concerne pas. On peine à le réintégrer, et à lui montrer comment il pourra trouver sa place : il y a aussi dans ce film un groupe de dealers floués qui vont devoir prendre position sur la fuite de la jeune sœur. Et puis aussi « rien de ce qui est humain ne t’est étranger », les problèmes de cette jeune femme doivent vous concerner tous, filles et garçons. Pas simple.

Néanmoins, portée par un groupe d’élèves, l’histoire se met en place. Je synthétise au tableau la construction qui avance à tâtons. On arrive à faire dialoguer le groupe collectivement et pas trop chacun dans son coin. Il y a toujours des garçons qui demandent la parole de manière répétée pour interroger : « mais la fille elle est belle ou pas » ? Il y a toujours un peu de discipline à faire pour canaliser la conversation autour du sujet qui nous réunit, cependant il faut reconnaître que cela reste gérable.

En fin de cours, un bon tiers de l’histoire est construit. Il reste 4 séances pour arriver à un scénario.

Cela semble réaliste.

 

La discussion avec les enseignants permet de constater que ce ne sont pas les bons élèves habituels qui brillent dans ce cours, mais d’autres, d’habitude plus en difficulté. C’est ce que me disait aussi la directrice de l’école primaire d’Arcueil où je suis intervenu 5 ans. Il paraît qu’après notre passage, les élèves renfermés qui se sont exprimés restent ouverts. Pourvu que ça dure!

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>