08:37 / 12 décembre 2014 / Transapi Comptes-rendus

Tout savoir sur “Le décrochage scolaire”

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Je souhaitais partager avec vous ma synthèse de l’ouvrage

“Le décrochage scolaire”

de Thierry Berthet & Joël Zaffran.

Presses Univ. de Rennes, 2014

« Le décrochage scolaire est l’étape ultime d’un processus qui se conclut par une sortie du système scolaire sans avoir atteint le niveau de qualification attendu au moment de la scission entre le jeune et l’école. »

C’est la définition administrative du décrochage, qui ne retient que le résultat final, évalué sur la base d’un seul paramètre.

Les thèses du livre en quelques mots :

  • Le décrochage est essentiellement un problème d’emploi : s’il y avait du travail pour tous les jeunes, le décrochage serait résolu
  • Les sources du décrochage sont multiples et complexes ; les solutions sont forcément multiples

Les faits présentés, sauf précision, ne concernent que l’école française.

Trois constats majeurs des auteurs :

  • L’école ne marche jamais totalement, nulle part, même dans les pays les plus égalitaires
  • On peut toujours améliorer les choses
  • Importance fondamentale d’une adéquation entre la formation et l’emploi

Histoire du décrochage

Pendant longtemps, l’échec scolaire n’était pas vu comme un problème. Les moins qualifiés, les moins doués sortaient naturellement de l’école et partaient travailler. On savait l’école inégalitaire et on s’en formalisait peu.

Au début du 20ème siècle, il y avait les « gars » (la « counter-school » en Angleterre), en rébellion contre l’école, les profs, les élèves conformistes. On rejette pour mieux entrer dans la vraie vie, celle du travail. Aujourd’hui ? L’école est un passage obligé, les non-conformistes n’ont plus aucune place.

Depuis les réformes scolaires des années 60 et après (collège unique, hausse de la scolarisation), l’échec scolaire est vécu comme un problème.

Avant les années 70, le tri des élèves se faisait avant l’entrée à l’école (étape du certificat d’études). Aujourd’hui il se fait dans l’école, puisque tout le monde va a la même école jusqu’à 16 ans.

Le décrochage lié au double phénomène de hausse du chômage et de baisse des emplois qualifiés a commencé dans les années 1980.

Dans les années 1990 l’Educ Nat a mis en place des dispositifs d’aide, et surtout des associations et des pédagogues ont fait changer le regard sur les jeunes déscolarisés, et lutté contre l’assimilation entre décrochage et échec : les décrocheurs ne sont pas tous en échec, et tous les échecs ne conduisent pas au décrochage. Le décrochage est un processus plus qu’un fait, lié à un parcours complet du jeunet en relation avec l’école, sa famille, son entourage. Chaque parcours est unique, une multitude de paramètres interviennent. L’école peut cependant renforcer le sentiment d’échec, la sensation de « ne pas être fait pour l’école », qui favorise la sortie du système.

Aujourd’hui les décrocheurs sont de 120 à 250 000 par an. Ils sont trop nombreux pour que cela relève de leur responsabilité. Ils mettent en évidence l’échec du système.

Des directives européennes ont été émises récemment pour la lutte contre le décrochage. Pourquoi ? D’une part, pour augmenter les forces productives de l’Union. D’autre part, pour diminuer le nombre de personnes ayant recours à l’assistance publique (et qui coûtent donc très cher). L’idée est d’impliquer plus de gens dans la vie économique et d’augmenter la rentabilité générale des systèmes économiques (plus de recettes, moins de dépenses).

Le décrochage est devenu un problème politique vers 2008-2009.

En France, le thème du décrochage a été mis en avant après les émeutes de 2005, avec un amalgame politique délibéré entre décrochage et délinquance. Le décrochage est un fléau, les jeunes touchés… aussi ? On a créé un sentiment de panique et pointé du doigt les coupables : les jeunes et les familles ; pas l’institution elle-même.

La politique nationale est passée d’une politique d’aide aux élèves victimes du système à une politique d’exclusion de ces mêmes élèves, responsables de leurs problèmes, fauteurs de trouble, inadaptés.

Le contexte scolaire

Pour l’école, le décrochage peut être vu comme une bonne solution ! Il élimine les élèves les plus difficiles et améliore sa fonction essentielle de sélection des élèves. Les décrocheurs ne sont plus considérés du point de vue de l’école mais de celui du monde du travail (non qualifiés, sans formation…).

Égalité des chances

A l’école, l’égalité des chances est posé comme un principe a priori et le mérite comme seule source de réussite. On suppose que l’école donne les mêmes chances à tous, et donc seuls ceux qui travaillent réussissent. Les autres échouent parce qu’ils n’ont pas su saisir la chance qu’on leur offrait. C’est alors l’élève qui a la pression sur lui. L’enseignant ne voit plus le cancre comme une fatalité mais comme relevant de sa responsabilité. Tout le monde s’en porte plus mal : l’élève est humilié car il n’a pas saisi sa chance, et l’enseignant car il a échoué dans sa mission.

L’égalité des chances posée comme a priori est évidemment une illusion.

De même l’expression « réussite pour tous » est vide de sens, car une réussite est toujours relative, or l’école offre une manière unique de réussir.

L’école est fondée sur l’idée de « mérite » : seuls ceux qui méritent réussissent, car initialement l’école offre les mêmes chances. Chacun n’a donc « que ce qu’il mérite »…

Chemin unique vers l’insertion

L’école a un poids de plus en plus important dans la réussite professionnelle : il faut être passé par l’école, par une formation, pour trouver un métier. L’école est le seul système de socialisation pour les jeunes, les autres ont disparu. C’est un passage obligé qui ne peut donc que laisser une partie des jeunes sur le bord. Ces jeunes sans emploi, sans qualification sont vus comme des anormaux et comme des dangers pour la société. Ils sont associés aux délinquants.

Au sein de l’école, ce poids a 2 conséquences graves :

  • Une hausse de la compétition scolaire pour l’accès aux diplômes, accompagnée d’une hausse des inégalités sociales (les plus favorisés au départ ayant davantage accès aux diplômes)
  • Un déplacement vers le haut de l’utilité des diplômes, ce qui donne encore moins de chances à ceux qui ne peuvent suivre ce chemin toujours plus long

 

L’école ne valorise que les « carrières », linéaires, classiques. Ne valorise pas le format « parcours », plus chaotique avec des bifurcations, changements, reprises d’études, etc. Or ces formats sont tout aussi valorisables, du point de vue de celui qui y est engagé. Le profil « carrière » est d’ailleurs plus risqué car la possibilité de rebondir est plus faible, ce qui augmente les risques de sortir du système sans diplôme (deux fois plus qu’en mode « parcours »).

Un parcours chaotique est parfois une bonne nouvelle ! Mais l’école l’ignore trop souvent.

Quatre manières de voir l’école

  • Convention académique : l’école détache les élèves de leur statut social d’origine pour leur conférer un nouveau statut scolaire qui sera à l’origine de leur véritable statut social. Système sélectif, séparant l’école et la société, et pour lequel le décrochage est une solution (la sélection se fait aussi de cette manière). Vision actuellement la plus répandue en France.
  • Convention professionnelle : l’école prépare à la vie active, via une coopération entre les milieux éducatif et professionnel. Cette vision fonctionne mal en France alors qu’elle est très bien établie ailleurs (Allemagne). La voie professionnelle est une voie par défaut, une voie de garage, où le décrochage est fréquent.
  • Convention universaliste : l’école est une institution intégratrice, elle vise à fonder une solidarité entre les membres de la société, compenser les inégalités sociales et construire une démocratie effective. Les démarches de lutte contre le décrochage s’inscrivent dans cette convention.
  • Convention marchande : l’éducation est une institution professionnelle comme les autres, et pourrait être menée par des entreprises, le produit éducatif étant géré par les règles classiques du marché. Le décrochage n’est plus ici un problème si le marché du travail offre une alternative. Le système anglais s’en rapproche, là-bas les décrocheurs sont appelés NEET (Not in Education, Employment or Training).

A noter : au Québec le décrochage est étudié sous l’appellation « persévérance scolaire »…

Les raisons de décrocher

Le terme de « décrocheur » lui-même pose problème, car il donne l’impression que l’élève en est responsable. Or les causes sont multiples, et les termes eux-mêmes pourraient aussi l’être. La catégorisation de « décrocheurs » par les politiques publiques cache la diversité des parcours, des causes et des remédiations. Pourquoi ne pas parler de « décroché » ?

Culture scolaire

Il n’est pas naturel d’aimer l’école et d’y travailler !

Les familles les plus défavorisées sont davantage touchées par le décrochage. Les raisons sont multiples, dont le fait que ces familles ne retrouvent pas dans l’école les valeurs qui sont les leurs. L’école est un milieu construit par et pour une certaine catégorie de personnes.

A quoi bon ?

L’encouragement aux études n’est pas forcément bénéfique pour tous cas l’adéquation entre formation et emploi n’est pas systématique. Ce n’est pas parce qu’on a une formation, un diplôme – même élevé – qu’on trouvera un emploi. On peut finir « piégé » au terme d’une formation. L’intérêt de travailler à l’école n’apparaît pas évident pour de nombreux élèves : à quoi bon travailler si cela ne mène de toutes façons à rien ? Les parcours qui s’allongent renforcent l’impression de flou face aux études : on ne sait pas où on va.

Le chômage endémique n’arrange rien car les moins formés ont encore moins de chances d’avoir du travail. Le nombre d’emplois peu qualifiés n’a cessé de diminuer au cours du temps, la société n’offre aucune solution aux jeunes qui ne peuvent pas suivre des études longues.

Pas d’intérêt

L’intérêt d’apprendre se perd : l’école est de plus en plus une machine à trier ; on apprend parce que c’est utile. L’intérêt intellectuel n’existe plus. On décroche alors pour une raison simple : l’école n’intéresse pas. On n’y trouve rien de valorisant, rien qui aide à s’épanouir ou à se préparer pour l’avenir. L’école est vécue comme une épreuve dont on ne sort que grâce à des appuis sociaux, culturels, et de la motivation. Profs et élèves, tous le voient comme une épreuve. Et la motivation, tout le monde la perd.

L’école propose des contenus ou des formats d’apprentissage qui ne font pas forcément sens pour les élèves.

Humiliation

Pour certains l’école est vécue comme une injustice, une humiliation qui entraîne un sentiment de rejet. Perdu pour perdu, faisons autre chose ! Pourquoi rester dans ce lieu qui m’oppresse et m’humilie ?

Les pratiques d’exclusion temporaire aggravent les cas, car elles renforcent le rejet et le sentiment d’être rejeté. Parfois, aujourd’hui on exclut de la classe mais on fait intégrer d’autres structures dans l’établissement.

Orientation

Les erreurs d’orientation, les politiques mal adaptées, sont un autre facteur vers le décrochage.

La famille

Dans les familles où les conditions de vie sont précaires, où on lutte parfois pour la survie, l’école devient secondaire. Des familles ont tendance à encourager la sortie du système pour orienter les jeunes vers des métiers « traditionnels » d’une culture donnée (sans parler des jeunes filles retirées du lycée pour des mariages contre leur gré).

Dans certaines classes moyennes les jeunes rejettent parfois le système : symbole de réussite de l’aîné, le cadet rejette.

Les accidents familiaux sont des sources de décrochage. Les divorces, remariages, beaux-parents, déménagements… Des familles mono parentales ou des grandes fratries ne sont pas des contextes « idéaux », d’une manière générale.

Les faits se compliquent quand il y a divergence de point de vue entre le jeune, la famille et l’institution, notamment sur la valorisation du parcours scolaire linéaire (et la dénonciation des parcours chaotiques comme des échecs), l’adéquation entre les valeurs de l’école et les traditions familiales, etc.

L’entourage

Dans les milieux défavorisés, les jeunes déscolarisés peuvent se retrouver entre eux et s’encourager à rester hors de l’école.

Dans les milieux plus « riches », les jeunes errent et se retrouvent plus seuls. Ils peuvent ainsi être encouragés à revenir à l’école, pour briser la solitude (cas généraux évidemment, qui n’empêche pas la diversité des cas et des contre exemples…).

Paroles d’élèves

Pour les élèves, le décrochage est lié à :

  • La quête de place : si on ne trouve pas sa place à l’école, on est tenté de la chercher ailleurs. Les jeunes qui partent ont une confiance en eux améliorée, et un meilleur sentiment de contrôle de leur existence.
  • Le rapport au monde du travail : tentation de chercher dans le travail ce qu’on n’a pas à l’école : du sens, un rôle social. Ou au contraire un dégoût du travail (un mauvais stage pendant une formation) qui fait qu’on n’a plus de sens, d’avenir, nulle part. On peut donc décrocher s’il y a du travail (l’école ne sert plus) ou s’il n’y en a pas (formation inutile).
  • La construction d’identité : si l’école humilie, en sortir peut être une question de survie. On rejette l’école qui a rejeté. La solution se trouve forcément dans un contexte autre que l’école, par exemple un contexte où on est amené à travailler (exemple du CLEPT – clept.org).

Etude faite dans un LEP du Limousin :

Les élèves évoquent principalement des causes internes à leur décrochage : cela relève de leur propre responsabilité, d’un choix dont ils sont la source. C’est un phénomène classique de biais dans l’attribution des causes, très tournées vers l’interne dans nos sociétés. Il est plus simple de se culpabiliser que de remettre en cause le système. Or dans la réalité le phénomène est lié à des causes internes et externes.

Les jeunes ne se sentent pas « à leur place » à l’école, et leur réaction est une fuite, tout en « prenant sur eux » le choix final de fuite. Cela dit les causes sont vues comme internes mais sans allégeance, les jeunes expriment une responsabilité de l’école dans leur décrochage.

Les sentiments évoqués sont :

  • la solitude, la souffrance, l’injustice
  • une frustration liée à l’orientation
  • une sensation de privation relative, c’est-à-dire une différence entre ce qu’on obtient et ce qu’on pense pouvoir obtenir, en comparaison soit avec soi-même (ce qu’on a eu dans le passé ou pourrait avoir dans le futur), soit avec les autres (pourquoi lui et pas moi, pourquoi eux et pas nous ?)

Attention : il ne s’agit pas ici de déterminants réels, mais uniquement ceux exprimés par les élèves, dans un contexte spécifique (les enquêtes sont réalisées dans des lieux déterminés,

« Le décrochage scolaire pourrait bien symboliser une prise d’autonomie d’élèves qui, jusque-là dans leur scolarité, en ont été privés »

Le non recours

Pourquoi les élèves décrocheurs ne recourent-ils pas aux offres proposées en prévention ou remédiation ? Parmi les pistes…

  • Emploi du temps : le dispositif s’ajoute à un agenda déjà chargé
  • Etiquetage : on est classé « en difficulté », élèves à problème, etc.
  • Liberté de choix : si l’élève est forcé, les chances de réussite sont plus faibles
  • Impact : un dispositif doit répondre aux attentes des élèves. Pour certains ce sera le strict apprentissage scolaire, pour d’autres ce sera des actions d’ouverture (changer du quotidien)
  • L’accès au dispositif doit être simple (simple à tous points de vue) = avoir accès facilement dès que le besoin se fait sentir
  • Rejet dune dépendance à un système extérieur pour s’en sortir

Les actions

Approche multiple

Les parcours des élèves sont multiples, complexes, multifactoriels. Donc difficiles à repérer, et difficiles à remédier par des méthodes générales.

Deux grands types de lutte sont menées : 1) scolaire seul, en établissement classique ou innovants ; 2) professionnel, quand le monde de l’entreprise est mis à contribution.

La lutte contre le décrochage doit être une approche complète de la personne, au-delà du cloisonnement des politiques publiques : éducation, logement, transport, famille, finances…

A chaque typologie de profil d’élève convient une forme de remédiation, avec un mélange d’approches individuelles et collectives.

Ce qui marche

Où est la solution ? A l’extérieur des établissements ? C’est dommage, et ça coûte très cher. Interne à l’école ? C’est l’idéal, mais l’école doit apporter autre chose pour que ceux qui la quittent aient envie d’y retourner. Avec des solutions multiples, adaptées à chacun :

  • une diversité d’activités pour l’épanouissement personnel
  • les encouragements, la valorisation
  • des attentes réalistes des enseignants
  • un bon chef d’établissement
  • des relations avec les familles
  • un suivi individuel des élèves
  • un élargissement des ressources financières pour les projets

L’acharnement au suivi individuel peut cependant être très néfaste car il peut renfermer l’élève dans sa position d’échec : pointé du doigt à titre individuel ou comme membre d’un groupe victime de stigmatisation.

Travaux de Amartya Sen

Il a fait des travaux pour évaluer l’efficacité de l’action publique. Il distingue les ressources offertes (le droit à l’échec par exemple) qui sont converties en capacités (à suivre un parcours scolaire) puis, par choix individuel, en une fonction (accéder à un emploi). CE qui compte ce ne sont pas les ressources mais ce que les individus peuvent réellement en faire, c’est-à-dire la « capabilité ». La capacité à transformer une ressource en capacité. C’est ce lien qui est fondamental.

Les capabilités évoluent et on peut mesurer, analyser leur développement suite à une action : hausse des opportunités ou diminution des contraintes.

Il existe trois grandes catégories de capacités :

  • « capability for voice » : possibilité de participer au projet de la personne, sans obligation, sur la simple base d’une reconnaissance de valeur au projet par la personne)
  • « capability for education » : ce qui encourage à suivre ou non des études. Ex. : une orientation non souhaitée en lycée pro (négatif) ou l’envie intrinsèque des jeunes à poursuivre des études, car il savent que c’est le chemin qui mène à la vie active (positif)
  • « capability for work » : ce qui offre des possibilités d’insertion professionnelle. Via une mission locale ou une orientation vers la formation par alternance, le mécanisme est « instrumental » car non voulu par l’élève, simple réponse proposée par le système. C’est le cas la plupart du temps, car la plupart des formations sont là pour permettre au jeune de trouver un travail, et pas d’augmenter sa liberté individuelle, son épanouissement personnel volontaire.

D’après les travaux de A. Sen, on peut identifier un besoin de dispositifs, de projets et de politique transversale pour augmenter les capabilités et surtout apporter des « facteurs de conversion », qui permettent de transformer des ressources en capabilités (exemple de facteur de conversion : le bac).

Déscolariser la société

Pour les auteurs, une piste possible est de déscolariser la société, c’est-à-dire rendre l’école moins indispensable et permettre plutôt à chacun de se construire à l’école ou ailleurs. On pourrait avoir le droit de quitter l’école en échange de formation ou de travail ailleurs, là où on ne reproduit pas les conditions de l’échec.

Le rapport du jeune à l’institution est important : on retrouve plusieurs fois l’idée exprimée que l’école ne peut pas toujours être sa propre solution.

Identifier les décrocheurs

Pas simple ! Une fois décroché, et c’est encore pire avant le décrochage.

Les MLDS recensent les élèves dont ils ont la charge ; les SAIO recensent ceux ayant eu des entretiens dans les CIO ; les missions locales recensent ceux ayant été reçus par des conseillers. En regroupant le tout, et en ajoutant les données des établissements, on peut établir des fichiers communs. Mais il en reste certains que l’administration ne retrouve pas.

En Rhône-Alpes, le temps moyen avant que le jeune prenne contact avec une structure d’aide est de 29 mois (2 ans et demi !) ; et ça peut aller jusqu’à 3 ans. Tout cela est lié à une faible réactivité du système, des temporalités différentes selon les institutions, les choix des jeunes, un rejet du système, un manque de clarté…

L’élève qui décroche peut très bien, de son point de vue, ne pas être en échec. Ce peut être un choix face à la possibilité d’une reconnaissance sociale ou professionnelle en dehors de l’école.

Les acteurs

Les initiatives pour accompagner les jeunes sont multiples, presque trop et on finit par s’y perdre. Les actions concrètes sont trop peu nombreuses comparées aux discours prononcés, et l’efficacité réelle de ces actions est mal connue. On fait beaucoup, mais on ne sait pas si ça marche : « la multiplicité des politiques ne fait pas une politique ».

Des plateformes de repérage et de suivi se mettent en place : fichiers communs, coordination des acteurs locaux pour l’orientation et l’insertion.

Avant 16 ans, les jeunes sont pris en charge par l’éducation nationale et l’école. On mène ici des efforts de rescolarisation, de suivi individuel, d’orientation vers des structures adaptées au sein de l’Educ. Nat.

  • Dispositif Relais et ERS (Etablissements de Réinsertion Scolaire) pour les collégiens (13-16 ans) proposent des passages transitoires. Les ERS font des séjours longs, avec internats.

Retour d’expérience : après le passage en dispositif relais le retour en classe « normale » reste très difficile, il subsiste beaucoup d’échec. Les parcours scolaires sont compliqués, fragiles. Le bilan global est sombre, on compte très peu de cas de retours définitifs en classe traditionnelle (quelques %). Plus la prise en charge est tardive, plus il est difficile d’aboutir à une formation pour ces élèves (au mieux, bac pro ou alternance).

Pour ceux qui entrent en étant les moins en difficulté, le retour à un parcours classique est possible mais avec un retard scolaire qu’ils n’avaient pas avant, ce qui augmente la difficulté du retour. Sur l’ensemble des élèves suivis par ces dispositifs, au final :

  • 74% sortent sans diplôme
  • 23% ont un diplôme catégorie V (CAP, BEP…)
  • 4% ont un bac
  • Etablissements innovants, collèges et lycées : CLEPT, Clisthène, Pôle Innovant Lycéen…
  • Ecole de la 2ème chance : parcours professionnalisant pour les 18-25 ans, sortis sans diplômes depuis plus d’un an.
  • EPIDE : système d’inspiration militaire, très encadré avec internat, qui traite en plus les problèmes sociaux et comportementaux. Le taux de réussite des écoles 2ème chance et des EPIDE est d’environ 50%
  • Missions de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) et Plateformes : pour les 16-18 ans
  • Missions Locales : pour les + de 18 ans
  • Depuis la rentrée 2011 il existe le SIEI, système informatique d’identification et de mutualisation du suivi des décrocheurs au niveau national. Les outils de repérage de l’Etat sont des solutions peu coûteuses mais qui ne font rien changer, ne remettent pas en cause l’école. On reste sur la remédiation du décrochage avéré et non en prévention, on continue à produire du décrochage avec la même école.

La multiplicité des acteurs ne montre pas forcément un manque de cohérence mais aussi une diversité des parcours, des profils, des besoins, et donc des moyens de réponse. Cela dit, il est vrai que ça ne facilite pas la cohérence de l’ensemble !

Les structures ne sont pas bien réparties sur le territoire et sont liées à des personnalités fortes, motivées, compétentes ; à des choix politiques locaux. Pas facile de les généraliser ou de les pérenniser. L’adéquation entre initiatives locales et prescriptions nationales n’est pas toujours facile.

La meilleure solution reste (c’est dit plusieurs fois) une politique transversale, concertée, sans ruptures entre les partenaires (en terme d’action ou de temporalité) et avec une forte prévention dans les lycées.

Damien Jayat

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